Les dessous du recrutement international
Les employeurs ont faim ! Ils ont faim de travailleurs professionnels, fiables, vaillants, la main au cœur et à l’ouvrage pour faire tourner leur entreprise ! Et ils semblent servis de partout ! Comme les Foodora et les Uber Eats de ce monde, de tous les coins apparaissent, aux cinq minutes, des recruteurs qui leur offrent des menus à tous les goûts.
Bref, c’est le grand bal où les employeurs se font courtiser de tous côtés ! Mais est-ce vraiment de ça que les employeurs ont besoin ?
Imaginez un gros poulet que vous avez fait cuire au four et que vous avez mis au frigo pour le manger plus tard dans la semaine. Sauf que froid et sans saveur qu’il est devenu, votre première idée est d’en refaire quelque chose.
Et que fait-on en général ? On rajoute une sauce ! Votre poulet est servi lundi, sauce pesto ; mardi en sauce chasseur ; mercredi en sauce champignon et jeudi, ce qui reste sur les os, gratté et servi dans un sandwich ! En attendant, vous avez toujours mangé le même gros poulet !
Eh bien, c’est ce qui passe également dans le monde merveilleux du recrutement international ! La pénurie de main-d’œuvre a amorcé non seulement une prise de conscience générale sur les conséquences à très court terme (on ne parle même plus dans trois ou cinq ans, mais de période de six mois !), mais aussi a lancé la mode des recruteurs internationaux et, il y en a à toutes les sauces !
Ce n’est pas parce qu’une personne est originaire de tel ou tel pays et connait des personnes qui peuvent référer des candidats que nous allons du jour au lendemain, grâce à leur contribution de recruteur, résorber notre pénurie de main-d’œuvre !
Le recrutement international n’est pas une vache à lait et il est hors de question de dénaturer le travail des vrais professionnels qui œuvrent dans le domaine avec prudence et surtout connaissances !
Quelles sont ces connaissances justement ?
Tout d’abord, l’écoute et identifier les besoins exacts des employeurs. Un recruteur se doit d’être avant tout un « psychologue d’entreprise » et évaluer les besoins, établir une stratégie pour établir une « thérapie » à long terme et non pas à court-terme !
Ensuite, les connaissances dans les différentes professions sont primordiales ! Comment peut-on recruter des soudeurs, des informaticiens ou des préposés aux bénéficiaires sans avoir été sensibilisés par ces professions et encore moins vu ce qu’ils font et comprendre les différentes techniques ? Si vous pensez que recruter un cuisinier, un chef, tient seulement au goût et à la texture des aliments qu’il prépare et que vous trouvez sublime tellement c’est bon, vous vous mettez un doigt dans l’œil ! Avez-vous pensé uniquement à ses compétences en gestion ? Ses aptitudes à gérer le personnel ? Sa ponctualité ? La propreté de SA cuisine ? Malheureusement, c’est loin d’être le cas ! Et aujourd’hui, vous avez affaire avec José qui recrute des cuisiniers au Mexique, Alberto qui recrute en Italie, Jean de France et Ahmed en Tunisie ! Il y en a pour tous les goûts.
Une autre connaissance et qui n’est pas donnée à tout le monde est celle concernant les procédures d’immigration ! Pareil, tout le monde s’improvise expert en immigration ! Personnellement, avant de « maitriser » (et maitriser est un grand mot, car nous en apprenons tous les jours !) les procédures pour monter des permis de travail, il m’a fallu plus de cinq ans pour devenir totalement autonome et comprendre chaque mécanisme ! Arrêtons la mascarade ! Si vous saviez toutes les âneries que j’entends à longueur de temps, je pleure pour vous, employeurs !
Tout d’abord, petit rappel, seules les personnes légalement autorisées peuvent conseiller et procéder aux demandes de permis de travail. Ces personnes sont les consultants réglementés, membres du CRCIC et également enregistrés auprès du MIDI sur la Liste des Consultants. Nous avons également les avocats en immigration et les notaires du Québec. Il y a aussi une petite catégorie qui concerne les « BÉNÉVOLES », c’est-à-dire personnel non salarié, des organismes sans but lucratif (attention aux fausses organisations qui ont trouvé une façon détournée d’offrir des services d’immigration et qui se vantent d’être des organismes sans but lucratif !).
Maintenant, il y a par ailleurs une autre distinction à faire, même parmi ceux qui sont autorisés, ce sont les compétences ! Assurez-vous employeurs, lorsque vous faites affaire au recrutement international, que votre recruteur soit ou dispose dans son équipe de professionnels autorisés en immigration et qui savent ce qu’ils font et ne vous laissent pas sur le chaud à régler vos problèmes !
Je sens que je ne me fais pas d’amis ! Savez-vous pourquoi je mentionne ceci ? Car encore une fois, tout le monde s’improvise expert en recrutement international et ne voit que la vache à lait !
N’oublions pas que notre rôle de recruteur (et oui, vous l’avez compris que je suis dans le domaine !) est de pouvoir organiser des heureux « mariages » entre les employeurs et les candidats ! Mais, vous, employeurs, disons-le également, vous cherchez à avoir le beurre et l’argent du beurre ! Le fait que vous accordiez de l’attention et mandatez une personne pour votre recrutement parce qu’il n’est pas cher est déjà un problème au départ ! Faisons une autre comparaison pour vous faire prendre conscience de cette réalité.
Vous aimez rouler à vélo. C’est pratique, il ne faut pas d’essence, ce n’est pas cher à l’achat, aucune assurance, entretien minime, votre petit casque sur la tête, mais, il faut pédaler-pédaler, monter les côtes en suant et rouler même sous la pluie !
Si vous roulez en voiture, vous êtes dans un habitacle fermé, vous avez même la caméra pour la marche arrière, vous avez tous les « bips » et voyants rouges qui vous avertissent des dangers et obstacles, mais vous payez la voiture, l’entretien et le carburant ! Et vous disposez également d’une assurance pour vous protéger !
Nous avons à l’agence beaucoup de clients qui ne veulent plus pédaler, car ils sont tombés de leur vélo à plusieurs reprises et en ont gardé un goût amer. Aujourd’hui, ils aiment rouler en voiture et paient le prix pour que la route soit toujours lisse, éviter les nids de poule et que les amortisseurs puissent les épargner de ne se retrouver un jour ni sans vélo, ni sans voiture, car ils doivent arrêter dès lors leurs opérations et annuler des commandes !
Contrer la pénurie de main-d’œuvre n’est pas une mince affaire et chapeau bas à tous ces employeurs qui nous font confiance et nous donnent le volant pour rouler ensemble et remplir notre belle voiture de vaillants futurs employés, futurs Québécois !
Finalement, après avoir calculé le coût de revient dans un processus de recrutement international fait dans les règles de l’art, le taux horaire des employés n’augmente que de 2,20 $ en moyenne ! C’est peut-être beaucoup pour certains mais vraiment rien comparé aux conséquences fatales de l’entreprise si le candidat ne vient pas et ne reste pas !
Le gouvernement du Québec, sensibilisé par ce phénomène, mettra en place très prochainement une réglementation stricte sur les agences de placement et recrutement international qui listera les professionnels qui devront assumer des responsabilités majeures envers les travailleurs temporaires étrangers, les employeurs et l’État !
À bon entendeur !
Selin Deravedisyan-Adam, CRIC
Spécialiste en Mobilité internationale