Passer au travers de la zone ASFC
Passer une frontière est toute une expédition ! Même si la personne n’a rien à se reprocher, on ressent toujours, au fond de soi, un petit pincement au coeur et nos mains se refroidir immédiatement. Pourtant, la charmante personne qui nous attend à notre arrivée et à qui nous allons tendre notre beau passeport, ne fait que son travail soit celui d’évaluer si nous sommes admissibles ou pas dans son beau pays !
Les aéroports de Montréal, Toronto, Vancouver accueillent des millions de personnes chaque année, comment arrivent ils à gérer toute cette logistique de contrôle et de sécurité. C’est l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) qui a pour mission de faciliter l’entrée et l’admission des voyageurs, tout en protégeant l’intégrité des douanes et des lois en matière d’immigration et d’agriculture du Canada. Une magnifique vidéo est mise à la disposition du public pour dédramatiser ces passages aux points frontaliers.
Accueil des voyageurs par l’ASFC dédramatiser, dédramatiser, c’est simple, on suit les 4 règles indiquées mais la question à se poser est : Qu’est-ce qui se passe en réalité ?
Beaucoup de choses, et pas des moindres ! L’agent, au point d’entrée, «fait son travail» mais il détient un tel pouvoir qu’il pourrait décider de faire la pluie et le beau temps et ce, du poste d’inspection primaire jusqu’à la sortie de la zone ASFC. C’est un passage obligé et ceci que vous soyez citoyen canadien, résident permanent ou temporaire.
Même moi, qui suis citoyenne canadienne, j’ai droit à chaque fois à la question d’où je viens, pourquoi j’ai voyagé et bien entendu, qu’est-ce que j’ai ramené (tabac, alcool etc…). Quant au résident permanent qui voyage et revient au Canada, bien entendu, les agents, en cas de suspicion, vont inviter les voyageurs à se rendre à l’immigration pour se faire poser des questions afin d’être évalués s’ils sont des «vrais» résidents permanents ou pas, qui connaissent leur quartier, leur ville et ont des liens solides établis au Canada. Pourquoi ? Pour qu’ils ne soient plus des faux résidents permanents qui vivent dans leur pays d’origine et viennent deux fois par an au Canada pour renouveler et justifier leur carte d’assurance maladie. Il faut croire que cette vraie chasse aux sorcières a porté ses fruits ! En effet, avec tous les contrôles accrus sur les frontières, les ententes avec les États-Unis sur la traçabilité des vols internationaux, tout est enregistré, contrôlé et bien entendu répréhensible ! Maintenant, celui qui pensait que le Canada n’était qu’un «passeport» revoit ses plans et s’installe pour un bon bout de temps dans ce beau pays !
Un nouveau phénomène depuis ces dernières années ! Il y a un engouement du public sur des «reality shows» qui montrent la vie des services frontaliers dans différents pays, en Australie, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et bien entendu, au Canada. Ce qui me sidère, c’est l’attitude de certains passagers qui arrivent dans un pays en croyant que la porte leur est grande ouverte, les deux mains dans les poches, souvent sans billet de retour et avec quelques pièces qui trainent au fond de leur poche. Pire ! Une hypothétique amie, une connaissance, cousin du neveu de l’oncle du voisin, les attend pour les héberger. D’autres arrivent avec leurs affaires dont trois grosses valises et n’ont aucune adresse à montrer et encore moins d’argent pour se payer une seule nuit d’hôtel ! Un autre dit venir «dépanner» un ami qui travaille dans un restaurant en construction. C’est vraiment de l’insouciance et de prendre aussi ces agents pour des nigauds. Faut donner à César ce qui est à César, l’agent fait son travail et avec raison !
Mais pour pousser le vice, le contraire arrive aussi bien plus souvent que nous ne pourrions l’imaginer ! En effet, par exemple, un voyageur d’affaire qui investit des centaines de milliers de dollars, voire exporter du Canada des millions en biens, pourrait se voir tout simplement malmené au point d’entrée car l’agent qu’il a croisé, ce jour, a décidé, oui, décidé (!), qu’il n’est plus autorisé à entrer au Canada. L’agent se dit être en raison de croire que les activités qu’il vient mener sur le sol canadien sont de nature à posséder un permis de travail. Et là, le grand débat commence: qu’est ce que «travailler» ? Pour un professionnel comme nous, la preuve de la notion de «travail» est très vite faite mais pour le commun des mortels, dès l’envoi d’un courriel, d’un appel ou d’encaisser de l’argent, ne font pas d’eux des travailleurs illégaux ! Bien au contraire, un statut de visiteur d’affaire, c’est comme préparer un gâteau. Il existe une multitude de professions qui ne nécessitent pas de permis de travail pour «travailler» en toute liberté mais il faut savoir bien doser les ingrédients pour que l’agent, au point d’entrée, soit convaincu que vous rentrez dans cette catégorie ! Si le gâteau brûle, gare à vous ! C’est trop tard et il faut recommencer.
Comment expliquer aussi que Pierrette (nom fictif), femme de 60 ans, divorcée, décide du jour au lendemain de venir couler la vie douce dans la Belle Province. Originaire de Suisse, son rêve était de s’installer sur les rives du Saint-Laurent pour le reste de ses jours. Elle vend tous ses biens, envoie promener ses enfants, prends le premier vol pour Montréal et jour de chance, un charmant agent lui demande ce qu’elle vient faire ? Elle dit, avec un grand sourire angélique, qu’elle vient rencontrer son ami de coeur avec qui elle joue des jeux en ligne. L’agent lui fait un grand sourire et la laisse rentrer sans aucun autre commentaire. Welcome to Canada ! Aujourd’hui, Pierrette, a une superbe maison près de l’eau et un compagnon qui va la parrainer. Croyez moi ! C’est une rareté ces types d’accueil aussi charmant et miraculeux. En quoi, était-ce miraculeux ? Pierrette est tombée sur un agent qui n’a vu aucun mal dans ses intentions ! Et quel rapport avec l’agent ? Car un autre agent l’aurait retourné illico-presto, convaincu, que le désir de Pierrette est de s’installer au Canada et de ne plus repartir, ce qui est vrai finalement ! Mais si nous commençons à retourner chaque voyageur avec des raisons de croire qu’ils vont tricher, les vols de retour vont être bien pleins !
Autre cas de figure. Bertrand vient de recevoir une offre d’emploi comme machiniste. Son poste est situé à Drummondville. Il est au chômage en France et n’a rien à perdre. Il vend sa petite voiture, ses quelques meubles, ramasse l’argent et décide d’aller au Québec pour commencer à s’installer avec sa femme et ses 2 jeunes enfants. Dès que son contrat est signé, il achète les billets d’avion, aller simple, et débarque au Canada. L’agent voyant arriver Bertrand, sa femme et ses 2 enfants, au mois d’octobre comprend qu’il n’a pas à faire a des touristes. Bertrand, innocemment, dit qu’il vient travailler. L’agent lui demande les documents pour son permis de travail. Il n’en a pas ! Et pourquoi qu’il n’en a pas ? Parce que Bertrand n’en a fait qu’à sa tête et n’a même pas informé son futur employeur du débarquement exprès qu’il est en train de faire. L’employeur, quant à lui, venait tout juste de déposer les demandes pour obtenir un EIMT et CAQ. Je vous laisse deviner ce qui arriva.
Je reembobine…. bzzzzz…..
Scenario 1 : L’agent est compréhensible et leur met un cachet avec un délai de 3 mois dans les passeports seulement du temps que les formalités du côté employeur puissent être finalisées et qu’un permis de travail soit émis à Bertrand.
Scenario 2 : L’agent est suspicieux et veut appliquer les règles à la lettre. Il peut contacter l’employeur pour voir ce qui se passe, il peut aussi contacter Service Canada pour voir si un dossier existe à ce nom, il peut aussi fouiller le téléphone de Bertrand pour voir si le patron lui donne rendez-vous lundi matin pour commencer, ou simplement, l’agent «a de fortes raisons de croire» que Bertrand ne lui dit pas la vérité ou du moins cache des informations, comme quoi qu’il va commencer à travailler avant même que les autorisations légales lui soient émises. Ces doutes viennent aussi principalement du fait qu’il n’a pas de billet de retour ! Comment peut-on justifier un statut de visiteur «temporaire» sans billet de retour, même si nous savons que notre demande va aboutir à 99,9% de chance sur un permis de travail; et bien, l’agent, lui, évalue les risques même s’ils sont de 0,01% !
Résultat : Le passeport peut être confisqué pour une période de plusieurs semaines par l’ASFC pour que l’employeur puisse obtenir dans ce laps de temps l’EIMT et le CAQ ou Bertrand et sa famille sont remis dans le prochain avion pour la case départ !
Mon conseil du jour est : Ne jouez pas avec le feu… Il est tellement facile de se brûler en cas d’erreur. Toute décision précipitée, sans fondement et encore moins sans preuve tangible, peut vous coûter très cher et je ne parle pas juste du prix d’avion mais des interdictions de territoire qui pourraient gâcher tous vos plans. Vous venez en pays étranger et ne croyez pas que même avec un passeport où le visa n’est pas requis que vous pouvez y entrer comme dans un moulin ! Faites les choses correctement et tout se passera comme dans du beurre ! C’est une expression française ! Je ne l’ai pas entendu au Québec, du moins, je ne m’en souviens pas mais toujours est-il que le beurre a bon goût et a un prix mais si on marche dessus et qu’il est mou, vous pouvez glisser et vous casser la figure. Et s’il est dur ? Vous allez vous heurter à un mur qu’on appelle l’ASFC qui ne fait que son travail ! Si vous voulez que le beurre se ramollisse, soyez prêt.
C’est à vous, voyageurs, futurs travailleurs temporaires, étudiants étrangers, résidents permanents que j’écris ! Soyez le plus clair possible lors de votre arrivée et surtout bien préparé ! Arriver avant même que vos procédures soient terminées ou sur des statuts incertains pour «gagner du temps» ne pourra que vous retarder en bout de compte ! Les agents sont très sévères mais définitivement, soyez rassurés pas contre vous mais contre tout le monde, moi, y compris !
Bon voyage ! On vous attend !
Selin Deravedisyan-Adam, CRIC
Experte en Mobilité Internationale / Immigration canadienne et québécoise
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